mardi 24 février 2009

Résurrection

Le Christ historique n’est jamais ressuscité, car s’il était ressuscité, c’est-à-dire revenu sur la terre comme son ami Lazare, il aurait eu à remourir comme le même Lazare, comme saint René et Cie qui, à ce qu’il paraît, n’ont plus jamais ri. Autrement dit, Jésus, tout vivant qu’il était, et est encore après sa mort, n’a pas eu besoin de revenir comme un revenant, ainsi qu’il le disait. Ce n’est pas lui qui est passé de l’autre monde au nôtre. Ce sont les apôtres, éveillés et ayant secoué les écailles de leurs yeux, qui ont fait une trouée dans leur monde coriace et ont aperçu de temps en temps le Seigneur à travers ce trou-là : le troisième œil. C’est pourquoi le mystère de la Résurrection n’est pas une réalité historique, ce qui serait coller ensemble deux mots incompatibles.


N’importe qui, qui secoue assez les écailles de ses yeux ou, selon une autre image, qui se chirurgie son troisième œil par la contemplation profonde, fait un trou dans son monde coriace, ce monde-ci, et il peut contempler, ébahi, Cela et Celui que les théométriciens ont appelé le Christ ressuscité, avec leurs lunettes d’écailles. Car, encore une fois, le Christ n’est pas ressuscité... S’il l’avait été, il aurait dû mourir une seconde fois, comme on le suppose des Lazare et autres malchanceux qui ont dû redoubler leur vie. Ils ont eu la corvée de mourir deux fois alors qu’une est déjà assez pénible pour la plupart. Mais Jésus n’aurait pas mérité ça, lui dont la vie avait été pleinement réussie.


Jésus a manifesté aux gens de son lieu, qui avaient de l’état après mort une opinion animale, que ce n’était pas comme ils croyaient. Pour des gens qui ne croyaient qu’à la réalité de la chair, il fallait une pareille prestidigitation pour leur faire toucher du doigt la chose vraie, dans une hallucinante et contradictoire épiphanie, leur montrer une chair spirituelle.


Pour qui croit que la Bible est un livre historique et charnel, le mystère de la Résurrection — et tous les autres — accule le sage à l’incroyance du Christ. L’attachement à la réalité de la chair est la cause de tous les problèmes du christianisme. Saint Paul à l’agora prêchait le Christ Ressuscité. Mais la mort étant une illusion pour ceux à qui il parlait, il ne pouvait y avoir de résurrection. Pour les juifs matérialistes et les chrétiens actuels, héritiers de la croyance à la réalité de la chair, la Résurrection est très importante.


© Frère Antoine, « Une Bouffée d’ermite ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire